- MŒURS
- MŒURSAu terme de «mœurs» sont associées deux sortes de significations, dont la cohérence et la précision diffèrent. D’abord, ce mot peut être pris pour synonyme de manière d’être, de faire, de sentir, de penser. Rapportées à un peuple ou à un individu, ces manières constituent un ensemble de traits distinctifs. Tacite parle ainsi des «mœurs des Germains», et La Bruyère des «caractères ou mœurs de ce siècle». Cette première acception insiste sur l’hétérogénéité des mœurs. Nous sourions pour faire accueil aux visiteurs. Les Tupinamba eux, pour exprimer la même attitude, doivent pleurer. En considérant la variété des mœurs et des coutumes, les explorateurs, puis les ethnologues, ont été conduits à adopter un relativisme plus ou moins sceptique. Pascal en a donné une formule célèbre: «Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.»À ce relativisme ethnographique s’ajoute parfois un relativisme historique, ou plutôt historiciste. Les mœurs de nos contemporains ne sont plus celles de nos ancêtres. Chez les Latins, on opposait à la corruption moderne les mœurs des ancêtres: «mos majorum». Au contraire, dans la perspective évolutionniste qui a longtemps prévalu en raison du prestige attaché à l’idée de progrès, les mœurs des peuples civilisés sont censées plus raffinées, plus «humaines», que celles, grossières ou barbares, de l’ancien temps. La monogamie constituerait un progrès par rapport à la polygamie; les conduites extrêmes de soumission et de dépendance qui marquaient les rapports entre le seigneur et ses paysans constitueraient des mœurs ridicules et odieuses dont l’homme moderne s’est défait en même temps que des préjugés absurdes qui leur étaient associés. Les mœurs, quand elles sont appréhendées comme des pratiques contingentes, particulières et datées, ne possèdent aucun des caractères que la philosophie ancienne attribue à la morale. Les mœurs n’ont évidemment rien de commun avec l’impératif catégorique. Lévy-Bruhl, partant de cette observation, a construit une opposition radicale entre les «métamorales» cherchant à «fonder» les normes de conduite sur des maximes a priori et absolument formelles et une «science des mœurs» attentive aux conditions concrètes de l’expérience morale.Mais à cette première conception des mœurs se joint une seconde, qui a été élaborée par les philosophes classiques, et que l’on retrouve au moins implicitement dans une expression commune, à laquelle la tradition juridique a donné un contenu relativement précis, celle de «bonnes mœurs». Chez Platon, mais aussi chez Montesquieu et chez Hegel, les coutumes, les mœurs et les manières, la moralité (Sittlichkeit ) ne constituent pas seulement une collection hétéroclite de pratiques arbitraires. Elles définissent un ensemble de «règles de vie», qui contribue à maintenir chez l’individu une hiérarchie convenable entre ses diverses activités, à éviter qu’il ne succombe au despotisme de ses passions, ou qu’il ne s’égare dans les caprices d’une fausse liberté, et en même temps à assurer la paix et l’harmonie entre les individus et les groupes qui composent la société. Les mœurs ne sont plus traitées comme une liste incohérente de coutumes bizarres. Elles constituent les conditions de la vie vertueuse et raisonnable.L’institution divine de la législation, des mœurs et de l’éducationLa pensée moderne distingue avec plus ou moins de rigueur la politique, le droit, les mœurs. Bien que ces distinctions ne soient pas absentes chez les Anciens, et notamment chez Platon, ces différents ordres de phénomènes sont saisis plutôt dans leur unité systématique que dans leur diversité. En effet, pour les Anciens, les lois, les mœurs, les vertus procèdent d’une même source et tendent vers un même but.L’étranger d’Athènes, qui parle en premier dans Les Lois , demande à ses deux interlocuteurs, le Crétois Clinias et le Lacédémonien Mégille, si c’est à un dieu ou à un homme qu’ils rapportent l’institution de leurs lois. Le Crétois répond avec emphase: «À un dieu, étranger, à un dieu!» Cette attribution des lois à des «garants métasociaux» (A. Touraine) constitue une des caractéristiques de la pensée classique. On la retrouve encore chez Rousseau: «Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes [...]. Voilà ce qui força de tous temps les pères des nations à recourir à l’intervention du ciel et à honorer les dieux de leur propre sagesse» (Du contrat social ).La suite du texte de Platon fait apparaître l’étroite liaison entre lois ( 益礼猪礼﨟) et mœurs ( 兀兀). En effet, l’Athénien demande aussitôt au Crétois pourquoi les lois de Minos ont institué les repas en commun, les exercices du gymnase et l’armement léger comme les arcs et les flèches. Un empiriste ne verrait dans cette liste qu’une rhapsodie de pratiques arbitraires. Mais Platon s’emploie à faire ressortir la «fonction latente» de ces pratiques. D’abord, elles aguerrissent les citoyens. Mais cette première fonction est ambiguë. On peut faire la guerre aux étrangers; mais, pendant les séditions, les citoyens d’un même pays se traitent en ennemis. Or, il n’y a pas de plus grand malheur que la guerre civile. On ne peut donc pas, selon Platon, considérer l’aguerrissement des citoyens comme la fonction latente qui donne un sens légitime à des pratiques comme les repas en commun, la gymnastique ou le tir à l’arc. Il faut remonter au moins d’un cran dans l’analyse régressive. En s’aguerrissant, les citoyens s’entraînent à maîtriser leur crainte, plus généralement leurs passions, et du même coup apprennent «à mettre ce qui est bon, notamment la maîtrise de soi, au-dessus de ce qui est mauvais», l’égoïsme étant l’expression incontrôlée des émotions.Les mœurs doivent donc être jugées par rapport aux vertus. Mais il faut se garder de confondre les unes et les autres. Non seulement il est clair que n’importe quelles mœurs ne sont pas bonnes, ou même que, ayant été proprement instituées, elles peuvent ensuite avoir été corrompues. Mais les bonnes mœurs, lorsqu’elles ne sont plus rapportées à une intention droite, si la notion en est circonscrite à une excellente technique maîtrisée en vue de la possession, de la jouissance ou de la domination, se retournent pour ainsi dire contre la vertu. Elles n’en sont que le faux-semblant, ou même la négation.Les mœurs, même «bonnes», ne se confondent pas avec la vertu. En effet, tandis que les bonnes mœurs telles qu’elles sont appréciées par l’opinion, même droite, se limitent à une pure et simple conformité des conduites à un modèle, la vertu n’est pas seulement une prédisposition à accomplir certains actes. Elle implique aussi intelligence et discernement, c’est-à-dire la capacité de choisir. Cette conception de la vertu est développée par Aristote, en particulier dans l’Éthique à Nicomaque , mais elle est présente dans les premiers dialogues de Platon, dits dialogues socratiques. Ce thème est repris dans Les Lois , non pas à propos de la vertu, mais à propos de la loi de la cité, «maxime sociale collective» reposant sur une «délibération raisonnée».L’inculcation ou le dressage ne suffisent pas à assurer la vertu. C’est ce que suggère l’image des marionnettes (Les Lois , I). Nous nous considérons comme des êtres animés et tout à fait libres. Mais nous aurions intérêt à nous percevoir comme des «marionnettes fabriquées par les dieux». Les fils ou cordons qui meuvent ces figures nous entraînent vers des directions opposées: le vice et la vertu. Mais fils et cordons sont de nature différente. Les uns sont rigides. Ils ont la dureté de l’acier. Les mouvements qu’ils impriment à la poupée sont rudes et saccadés. Il existe un deuxième type de fil: «le fil d’or, et sacré, de la délibération raisonnée». Ses tractions sont souples, car il est flexible et répugne aux impulsions brutales. Il opère en harmonie avec la marionnette qu’il met en mouvement. Alors que les fils d’acier, ceux du plaisir et de la peine, nous ébranlent et nous agitent sans que nous ayons à consentir à leur opération, «le fil d’or de la délibération raisonnée» n’agit que grâce à notre concours et si nous nous prêtons à son mouvement.La finalité ou plutôt la fonction latente des bonnes mœurs est donc la vertu. Mais celle-ci ne peut pas être pleinement assurée par les seules impulsions élémentaires du plaisir et de la peine. Comme, d’autre part, l’homme vertueux ne peut pas se soustraire entièrement aux tractions des fils d’acier, il en résulte que la vertu ne peut être que le fruit de l’éducation. Une fois apprise, sa pratique doit, d’une manière continue, être confortée par la pratique des «bonnes mœurs».Il existe un paradoxe de l’éducation (comme de tout apprentissage), qui tient à ce que son ressort réside dans notre sensibilité, dans notre susceptibilité au plaisir et à la peine, alors que son terme et son effet consistent dans l’acquisition de la vertu. Le processus éducatif suppose la discipline des passions, qui ne sera assurée que par le succès du processus éducatif lui-même. Il faut que «le plaisir et l’amour, la douleur et la haine, viennent à exister au-dedans de notre âme avec leur juste objet, alors que nous sommes encore incapables de nous en faire une conception réfléchie» (Les Lois , II). Aussi n’est-ce que par une «heureuse chance» qu’entre nos impulsions et leurs «justes objets» s’établit un «accord convenable» qui produit une discipline des plaisirs et des peines telle que, «du commencement à la fin de l’existence, nous haïssions ce qu’il faut haïr et que nous chérissions ce qu’il faut chérir».Les bonnes mœurs constituent les béquilles du processus éducatif. Elles sont, au sens fort, une ruse de la raison, puisque, sans leur appui, l’homme ne pourrait jamais devenir un être raisonnable. Telle est la fonction des fêtes au cours desquelles nous apprenons «en compagnie des divinités (...) la façon de vivre droite» (Les Lois , I). Or cette rectitude, cette aptitude à marcher selon le rythme et l’harmonie, n’est pas du tout innée, comme le montre l’exemple des enfants qui n’ont pas encore été socialisés et des petits animaux qui gambadent ou bondissent et font entendre mille cris.L’action des mœurs sur la nature sensible peut être comparée à la manière dont l’apprentissage du rythme et de l’harmonie est facilité par le chant et la danse. La première condition de cet apprentissage, c’est la capacité motrice du sujet, son aptitude à exercer certains gestes. Cette capacité, avant d’être réglée par l’éducation, s’exprime dans le jeu – ou, plus exactement, dans ce que Piaget appellerait la phase sensori-motrice du jeu. Mais, si nous voulons comprendre le processus éducatif dans toute son étendue et jusqu’à son terme, c’est-à-dire la manière dont sont apprises les bonnes mœurs, il faut considérer deux conditions supplémentaires qui sont d’ailleurs liées. Il faut que, parmi tous les gestes que peut accomplir notre corps, certains puissent être universellement reconnus comme corrects, et d’autres clairement écartés comme inappropriés. Enfin, cette rectitude du geste et du mouvement ne peut être prononcée que par des juges autorisés. Ainsi l’apprentissage du chant et de la danse suppose trois conditions. On appellera la première condition d’aptitude, la seconde condition de rectitude, et la troisième condition d’autorité.La condition d’autorité est illustrée par l’«institution des trois chœurs» (Les Lois , II). La musique et la danse sont des exercices réglés, qui produisent un effet d’« incantation» sur les choristes et qui les socialisent dans les lois de la cité. Mais ce réglage suppose une division des rôles, en particulier selon les âges. Les vieillards, parce qu’ils ont la voix cassée et les membres raidis, éprouvent quelque crainte à danser et à chanter en public. Mais ils ont l’expérience, qu’ils peuvent transmettre comme ils l’ont reçue, et ils ont la sagesse, qui leur permet de discerner si la voix est juste et le geste assuré.La rectitude des mœurs, c’est-à-dire leur conformité avec les lois de la cité, constitue une des conditions sans laquelle il n’y aura pas de cité juste. Elle est elle-même liée à une autre condition: c’est que, pour parler comme dans La République , «les philosophes soient rois ou les rois philosophes». En d’autres termes, Platon établit une série d’équivalences entre les lois et les vertus, et d’autre part les lois et les mœurs. C’est sur la réalisation de ces équivalences que repose l’équilibre de la cité juste. Mais ces équivalences ne sont ni constantes ni rigoureuses. Les mœurs changent. Non seulement elles sont, comme toutes les choses humaines, soumises à la corruption, mais elles correspondent à des exigences fonctionnelles très différentes. Ce qui est bon pour un vieillard ne l’est pas nécessairement pour un enfant. Ce qui plaît à l’un ne plaît pas à l’autre. Le goût varie non seulement avec les âges de la vie, mais aussi selon nos emplois et nos activités. La seule manière de protéger les mœurs contre les risques d’altération qui leur retireraient toute légitimité consiste à en confier le dépôt à des censeurs et à des éducateurs formés dans le respect des traditions.Les lois, les mœurs et les manières dans leur rapport avec l’esprit généralLa tradition classique attribuait aux mœurs une grande importance. À cet égard, elle s’oppose à la tradition relativiste et sceptique, qui ne voit dans les mœurs que des conduites variables selon les lieux et les circonstances. Montesquieu reprend cette question au livre XIX de l’Esprit des lois. Il l’examine d’un point de vue très différent de celui de Platon et des classiques. Pourtant, il maintient très fermement la distinction entre les lois et les mœurs (et corrélativement ce qu’il appelle les manières), alors que les philosophes des Lumières ont tendance à faire de la loi la seule source du droit.Montesquieu traite des mœurs par rapport à ce qu’il appelle le «gouvernement des hommes» et ce que nous appellerions le problème du contrôle social. «Plusieurs choses gouvernent les hommes: le climat, la religion, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières; d’où il se forme un esprit général qui en résulte» (L’Esprit des lois , XIX, chap. IV). Entre ces différentes «causes», il s’établit une sorte d’équilibre. Par exemple, chez les «sauvages» où «dominent la nature et le climat», la religion et les lois ne comptent pas beaucoup dans la conduite de ces hommes. Mais «les manières gouvernent les Chinois, les lois tyrannisent le Japon; les mœurs donnaient autrefois le ton dans Lacédémone; les maximes du gouvernement et les mœurs anciennes le donnaient dans Rome». Mais comment distinguer les lois des mœurs et des manières, puisqu’elles sont les unes et les autres «des institutions de la nation en général»? La loi est une instruction ou un commandement dont l’initiative appartient au titulaire du pouvoir législatif. À côté d’elle, il existe d’autres règles plus diffuses, qui n’ont pas pour seul fondement et origine la volonté des gouvernants. Aussi peut-on dire que les lois règlent plutôt les actions du citoyen, dont la volonté est soumise à celle du législateur, tandis que mœurs et manières règlent plutôt l’action de l’homme «privé». Enfin, Montesquieu établit une différence entre les mœurs et les manières: «les premières regardent plus la conduite interne, les secondes la conduite extérieure».Entre les éléments précédemment distingués, on peut imaginer plusieurs combinaisons. Ainsi Pierre le Grand ordonne par une loi aux Moscovites de se faire couper la barbe et de «tailler jusqu’aux genoux les longues robes de ceux qui entraient dans les villes» (XIX, XIV). Cette loi est qualifiée de «tyrannique», puisqu’elle substitue à des pratiques traditionnelles la volonté du Prince. Montesquieu en aurait dit de même des lois de Kemal qui interdit aux Turcs le port du fez et leur prescrivit de se saluer à l’occidentale en échangeant une poignée de main, plutôt que par l’inclinaison de la tête et du buste accompagnée du geste de la main sur le cou, selon la politesse islamique. Ces prescriptions et prohibitions furent en effet jugées «tyranniques» par plus d’un Turc, non seulement parce qu’elles constituaient une intrusion du gouvernement dans la vie privée, mais aussi parce qu’elles touchaient à des pratiques qui avaient valeur de rites religieux.À la différence des exemples cités concernant les Russes ou les Turcs, les lois, les mœurs et les manières tendent à se confondre. C’est même le dessein d’un législateur comme Lycurgue d’établir une coïncidence aussi forte que possible entre les uns et les autres. Montesquieu se contente-t-il de retrouver l’argument de Platon, qui prétendait établir une équivalence entre les lois, les mœurs et les vertus? On pourrait, à première vue, être tenté de penser que Montesquieu a repris la conception platonicienne des mœurs qui, comme les vertus chez les Anciens, concernent la «conduite intérieure» des hommes. Mais cette lecture serait tout à fait erronée, comme le prouvent les développements que Montesquieu consacre aux Chinois. Ceux-ci, écrit-il, «confondirent la religion, les lois, les mœurs et les manières. Tout cela fut la morale. Tout cela fut la vertu» (XIX, XVII). Il n’y a pas seulement confusion entre ces divers éléments. Ils se trouvent aussi subordonnés au principe religieux. C’est pourquoi Montesquieu parle à leur propos de rites. Il explique l’efficacité de ces derniers par deux considérations. Leur apprentissage, remarque-t-il d’abord, exige beaucoup d’application et d’effort, comme on le voit par l’exemple de la lecture et de l’écriture qui servent de véhicules aux traditions. Quant aux rites corporels, qui ne sont rien d’autre que des règles d’une pratique commune (les manières de table, par exemple), ils «frappent les esprits», les préparent à l’obéissance, d’une manière beaucoup plus efficace que les raisonnements et les arguments. Grâce à ces rites qui «enveloppaient toutes les petites actions de la vie», la Chine, toujours selon Montesquieu, se trouva bien gouvernée. Et l’auteur de L’Esprit des lois d’opposer le gouvernement par les rites à ce que l’on pourrait appeler le gouvernement – ou la moralisation – par les «supplices». L’efficacité de cette dernière méthode est limitée, car il n’est pas dans la nature des supplices de «donner des mœurs». En effet, «ils retrancheront bien de la société un citoyen qui, ayant perdu ses mœurs, viole les lois; mais si tout le monde a perdu ses mœurs, les rétabliront-ils? Les supplices arrêteront bien plusieurs conséquences du mal général, mais ils ne corrigeront pas ce mal» (ibid. ).Si la Chine a un bon gouvernement grâce aux mœurs que lui a données le législateur, ce n’est en aucune manière la cité juste au sens platonicien. Il est vrai que les Chinois manifestent le plus grand respect pour leurs parents et pour leurs ancêtres. Il en résulte entre gouvernants et gouvernés des rapports de bienveillance du côté des premiers et de docilité du côté des seconds, qui assurent aux lois politiques de la Chine un caractère paisible et régulier. Il est vrai aussi que, soumis à l’autorité paternelle, les Chinois apprennent dès le jeune âge les vertus domestiques et l’esprit d’entreprise dans la gestion de leurs affaires. Pourtant, ces Chinois si industrieux, si policés, ne sont des hommes vertueux ni du point de vue de la moralité formelle ni de celui de la conviction intime. «Ils sont aussi le peuple le plus fourbe de la terre» (XIX, XX). Ces hommes formés à la pratique des rites et au respect des figures d’autorité sont aussi d’«une avidité inconcevable pour le gain» (ibid. ).Montesquieu retrouve le thème de la Fable des Abeilles de Bernard Mandeville. Des passions comme l’égoïsme et la vanité peuvent contribuer à la prospérité générale et à la tranquillité publique. En consacrant tous leurs soins à leur propre enrichissement, les particuliers concourent à la fois à accroître le volume des richesses et à accélérer leur circulation, ce qui en même temps les détourne des factions et des séditions et les attache à la conduite de leurs intérêts privés. Mais cette discipline des mœurs ne saurait se confondre avec la morale. «Tous les vices politiques ne sont pas des vices moraux, et tous les vices moraux ne sont pas des vices politiques» (XIX, XI).Ce n’est pas par rapport à la justice que mœurs et manières doivent être appréciées. «Ne comparons pas la morale des Chinois à celle de l’Europe» (XIX, XX). Ce relativisme repose sur l’hypothèse qu’il n’y a pas au sens platonicien d’Idée commune du Bien, ou du moins que cette Idée, si par ailleurs nous sommes amenés à la postuler, n’est pas assez déterminée pour autoriser une comparaison, une hiérarchie entre les différentes civilisations. Mais c’est par rapport à un esprit général que nous pouvons apprécier les mœurs et les manières. Cet «esprit général» est un effet de composition. Il se forme, il «résulte» des divers ingrédients qui entrent dans sa formule (XIX, IV). Compte tenu de la place qu’y occupent des données comme le climat, les maximes du passé, il ne peut se transformer que lentement, et le législateur doit «être attentif à ne pas changer l’esprit général d’une nation» (XIX, V). Les transformations peuvent être accélérées par la «communication» que les peuples ont entre eux ou que, à l’intérieur d’un même peuple, les individus ont entre eux. Mais les changements dans les mœurs imposés par le législateur sont coûteux et risqués à la fois pour les gouvernants et pour les gouvernés: «les peuples sont très attachés à leurs coutumes; les leur ôter violemment, c’est les rendre malheureux. Il ne faut donc pas les changer, mais les engager à les changer eux-mêmes» (XIX, XIV).La morale subjective et la moralité réaliséeMontesquieu reconnaît aux mœurs et aux manières une constance et une consistance qui les constituent comme des objets naturels. C’est pourquoi il recommande aux législateurs de n’aborder les coutumes des peuples que d’«une main tremblante». Mais sa prudence et son empirisme laissent en suspens le statut de ces règles coutumières qui parmi d’autres déterminations gouvernent les hommes. Il est clair qu’à ses yeux il ne s’agit pas d’une rhapsodie de pratiques bizarres. Mais quel sens, quelle légitimité, quelle rationalité – toutes expressions d’ailleurs absentes chez Montesquieu – faut-il reconnaître aux mœurs d’une nation?La question est d’autant plus difficile que l’antithèse s’est trouvée plus fortement accusée entre les mœurs et la morale. L’ambition de la pensée classique était de les réconcilier. De l’avis de Montesquieu, elles nous sont même apparues tout à fait confondues chez les Chinois. Au contraire, la réflexion critique de Kant les distingue radicalement. Kant réserve le qualificatif de «moral» aux seules actions possédant des attributs strictement formels. Ce n’est pas l’action ou son résultat qui intéresse le moraliste. Ce n’est pas même la conformité de cette action avec une loi fixée par une autorité transcendante. C’est l’intention de l’acteur, sa capacité de se déterminer lui-même – d’une manière autonome – par pur respect pour la loi qui qualifient son action comme morale. Dans ces conditions, le rigorisme et le formalisme kantiens ne conduiraient-ils pas, au nom d’une conception très exigeante de la morale, à une dévalorisation de la moralité? Ce problème est classique dans la tradition chrétienne où, de saint Paul à Luther, le débat sur la part de la foi (et de la grâce) ou des œuvres dans le salut s’est poursuivi indéfiniment.Le formalisme moral de Kant alimente une double critique de la conception traditionaliste des mœurs. La première formule de l’impératif catégorique (agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être prise comme règle universelle), disqualifie toutes les pratiques qui peuvent être récusées comme égoïstes. En second lieu, l’autonomie de la règle morale peut être interprétée comme l’expression de la subjectivité transcendantale de l’acteur moral. Hegel va jusqu’à voir dans le droit à la liberté subjective une caractéristique de la modernité par opposition avec le Moyen Âge. Mais Hegel entend d’une manière bien différente de celle de Kant le droit à la subjectivité. Il n’y voit pas du tout l’affrontement entre l’universalisme de la loi et la particularité de l’inclination sensible, mais la réalisation concrète d’un projet individuel compatible avec celui des autres hommes. La morale n’est pas un pur devoir-être, un sollen de type kantien. Elle est la réalisation d’une communauté de volontés qui cherchent leur satisfaction dans la réalisation effective de leurs projets.Il n’y a pas de conscience morale sans «subjectivité du vouloir», mais cette subjectivité n’est que la première étape de la conscience morale. En effet, ma volonté, à moins qu’elle ne soit condamnée à demeurer tout à fait indéterminée, cherche à se réaliser dans l’«accomplissement de mes buts» (Philosophie du droit , 2e part., paragr. 112). Ou encore, la morale n’est pas seulement conscience subjective d’une exigence, elle est aussi action, ou encore objectivation et extériorisation (ibid. , paragr. 113). Hegel distingue, d’une part, entre l’action (Handlung ) et le projet (Vorsatz ), et, d’autre part, entre l’action et les actes (Tat ) ou conséquences. La première distinction est claire. L’action n’est pas simplement conscience pour le sujet qu’il y a quelque chose à faire. Ce n’est pas seulement la mobilisation de la volonté, c’est l’extériorisation ou l’objectivation de celle-ci. Ce que l’action une fois réalisée garde de subjectivité, c’est la possibilité qu’elle offre à l’acteur de faire retour sur ses actes, de s’y retrouver lui-même et de les reconnaître comme les produits de son propre vouloir. Mais l’action entraîne des conséquences, non seulement pour le sujet, mais pour d’autres (ibid. , paragr. 118): «La volonté des autres est en même temps pour moi l’autre existence que je donne à mes buts.»Le premier dépassement de la subjectivité du vouloir, c’est la découverte de l’intersubjectivité. La volonté libre de chaque individu se découvre comme volonté qui veut la liberté de tout individu. Mais l’intersubjectivité n’anéantit pas la volonté individuelle. Elle la conserve puisque «aucune personne morale n’est obligée de considérer comme bon quelque chose qui contredit ses convictions morales» (ibid. , paragr. 132). Selon Eugène Fleischmann (La Philopolitique politique de Hegel ), «l’exigence de n’obéir à rien ni à personne sauf à la Raison humaine autonome est le droit suprême de l’homme», mais cette exigence est inséparable de l’obligation d’avoir à réaliser effectivement le Bien (Wohl ). Or cette obligation restera «formelle», c’est-à-dire vide, tant que la volonté subjective, pour reprendre les termes d’Éric Weil (Hegel et l’État ) n’aura pas compris que le Bien est, que la liberté existe dans le monde objectivement, que l’action a un sens. «D’une certaine façon, il n’y a plus de différence, écrit Fleischmann, entre être et devoir-être.» Cette affirmation est grevée de toutes les obscurités qui s’attachent à des termes comme être, exister, avoir. Le Bien «est», la liberté «existe», l’action «a» un sens.On peut interpréter ces expressions de deux manières, l’une proprement philosophique, qui fait fond sur la notion de sens de l’histoire, l’autre qui repose sur l’idée de satisfaction. Dans la première perspective, celle par exemple adoptée par Maurice Merleau-Ponty, dans Humanisme et terreur , on dira que c’est de deux choses l’une: ou bien l’histoire a un sens, ou bien elle n’en a pas. Si elle en a, ce sens est immanent à l’histoire elle-même. Il ne lui est pas conféré par l’historien-spectateur. Il est déjà là avant d’être perçu. Or cette description est doublement obscure. D’abord elle néglige une question capitale, celle de l’unité ou de la pluralité des sens. En second lieu, elle ne nous dit rien de très clair sur la manière dont ce sens – ou ces sens – a été, ou ont été, constitués.La notion hégélienne paraît plus satisfaisante, et c’est peut-être seulement en faisant retour sur elle que la notion de sens de l’histoire peut devenir acceptable. «Concept fondamental, écrit Éric Weil, c’est la satisfaction qui constitue le ressort dernier de l’histoire humaine.» On peut très schématiquement poser que la satisfaction (Befriedigung ) est un processus dont les deux pôles sont la jouissance et la reconnaissance. Par jouissance nous entendons la consommation ou la présence immédiate de ce qui a été attendu ou désiré. Par reconnaissance, nous voulons dire que cette réalisation effective qui satisfait notre sensibilité assure en même temps la médiation entre nous-mêmes et les autres, au lieu de nous affronter à eux. La réconciliation de ces deux termes, qui s’opposent comme le particulier à l’universel, est renvoyée pour Weil aux calendes grecques, «lorsque chaque individu sera reconnu comme valeur absolue par tout autre individu et par tous les autres individus». Mais on peut aussi bien affirmer qu’elle constitue le «moteur de l’histoire», puisqu’elle est censée assurer à la fin des fins la réalisation du désir rendu conforme à la raison.Ce qui ne sera pleinement réalisé qu’après – avec la fin de l’histoire – est déjà d’une certaine façon réalisé avant, et c’est ce que Hegel appelle Sittlichkeit , que Fleischmann traduit par «moralité réalisée». Il n’y a pas plus de «début» au sens où Éric Weil l’entend, de commencement absolu de l’histoire constitutionnelle, un état de chose antérieur au contrat social, qu’il n’y a de début de l’histoire morale. Les satisfactions de jouissance et de reconnaissance nous sont immédiatement accessibles par notre participation à la «morale effective», c’est-à-dire à des mœurs «satisfaisantes». Encore une fois, il faut prendre ce terme dans le sens hégélien et se garder d’en faire un synonyme d’acquiescement à l’ordre (ou au désordre) établi. Mais la «morale effective» ne doit pas non plus être prise comme l’ensemble des pratiques morales objectivement constatées, ni moins encore comme la banalité d’une vie quotidienne avilie. La vie domestique et la vie professionnelle constituent les domaines principaux de la «morale effective». Or, selon Hegel, elles peuvent être «satisfaisantes» au plein sens du mot. La famille est définie «comme l’unité sous la forme du sentiment» et encore «la vie éthique sous sa forme naturelle» (Philosophie du droit , paragr. 158). Quant à la corporation (groupement professionnel), elle constitue la seconde «racine éthique de l’État» (ibid. , paragr. 255). Elle assure la «réalisation effective de la particularité réfléchie du besoin et de l’unité abstraite du droit». Elle ne se réduit pas plus à l’intérêt de l’individu que la famille ne se réduit à la pure affectivité. L’une et l’autre ont une dimension éthique qui se caractérise aussi comme le «moment de la forme de l’universalité [...] par laquelle l’Esprit devient objectif et réel comme totalité organique dans les lois et les institutions» (ibid. , paragr. 256).La «morale effective» ne se confond pas avec la vie quotidienne. Ou, si l’on préfère, c’est la vie quotidienne mais «sous la forme de l’universalité», ou encore comme «volonté pensée». D’autre part, cette forme sous laquelle la «substance éthique» parvient à la conscience de soi se distingue (parfois en s’opposant à elle au nom de la liberté subjective) de la «substance éthique». La «morale effective» ne se confond pas avec l’État qui en constitue une expression consciente et réfléchie puisqu’il réunit en lui le principe de la famille et celui de la société civile. À cet égard, elle est proche de ce que Montesquieu appelle «l’esprit général d’une nation». Mais peut-être est-ce surtout à la fameuse «Prosopopée des lois» que l’on pourrait songer ici: Socrate consent à sa propre condamnation à mort pour ne pas désobéir aux Lois, même si elles sont iniques, parce que sa vie durant elles ont constitué l’aliment ou la «substance» éthique de son existence.Individualisme et égoïsme: le problème de l’anomieLa fragilité des mœurs, qui les expose à la corruption, tient à la nature des sentiments qui règlent nos conduites morales. On peut en distinguer trois principaux, dont l’importance a été soulignée au cours de l’exposé précédent.La conception classique de la moralité fait la part plus large au civisme. Les Romains ou les Spartiates sont moraux parce qu’ils font passer avant leur intérêt particulier le bien de l’État. C’est ce que Montesquieu appelle «la vertu». Il écrit: «La vertu, dans une république, est une chose très simple: c’est l’amour de la république; c’est un sentiment et non une suite de connaissances. Le dernier homme de l’État peut avoir ce sentiment comme le premier.» (L’Esprit des lois , V, II). Et il ajoute: «L’amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs, et la bonté des mœurs mène à l’amour de la patrie.» Mais cette liaison entre le civisme et «la bonté des mœurs» est difficile à établir et plus encore à maintenir. Elle suppose principalement «la frugalité et l’amour de l’égalité». Mais «l’égalité réelle (qui) est l’âme de l’État, est difficile à établir» (ibid. , V, III). «Le principe de la démocratie se corrompt, non seulement lorsqu’on perd l’esprit d’égalité, mais encore quand on prend l’esprit d’égalité extrême» (ibid. , VIII, II). La corruption du régime démocratique peut trouver son origine dans la corruption des lois ou dans celle des mœurs. Mais, une fois le processus engagé, et quel qu’en soit le point de départ, la comparaison envieuse a vite fait de remplacer le civisme et l’amour de la patrie par une guérilla incessante entre les classes et les individus.Montesquieu voit bien la fragilité du civisme dans les sociétés antiques, la difficulté de fonder la stabilité des régimes sur la rectitude des mœurs. À cet égard, le cas de la démocratie est instructif. Mais les monarchies et les régimes despotiques sont tout aussi corruptibles que la démocratie. Dans les sociétés modernes une autre difficulté surgit, qui tient au développement de l’individualisme. C’est Benjamin Constant qui a le premier abordé cette question. Dans L’Esprit de conquête (chap. VI) est présentée une opposition entre les démocraties antiques et les démocraties modernes. La conséquence à laquelle Constant conduit son lecteur, c’est que l’amour de la république tel que l’entendait Montesquieu, c’est-à-dire la subordination des intérêts privés à l’intérêt général et la fusion égalitaire des individus dans la communauté politique, n’est plus aujourd’hui qu’une fiction qui sert de couverture au terrorisme et au totalitarisme jacobins. Constant s’appuie sur deux arguments. À l’époque moderne, à cause de la division du travail, les hommes n’ont besoin que d’être laissés dans une indépendance parfaite pour tout ce qui a rapport à leurs occupations, à leurs entreprises, à leur sphère d’activité. «Ils n’ont donc ni le temps ni le goût de s’occuper eux-mêmes des affaires publiques. Ils en délèguent bien volontiers la gestion à des représentants.» L’équilibre entre le privé et le public est donc inversé par rapport à la situation à laquelle se référait Montesquieu. Robespierre et Saint-Just rêvaient d’exercer la tyrannie pédagogique de la vertu, pour faire des Français des citoyens malgré eux, pour «les forcer à être libres». Constant a horreur de cette conception de la vertu démocratique qui, selon lui, «n’est propre de nos jours qu’à fournir des armes et des prétextes à tous les genres de tyrannie» (ibid. , chap. VII).Mais peut-on s’en tenir à une conception strictement individualiste des mœurs qui se bornerait à la maxime suivant laquelle «Charbonnier est maître chez soi»? Tocqueville définissait l’individualisme, qu’il prenait soin de distinguer de l’égoïsme, comme un «sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis, de sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même» (De la démocratie en Amérique ). Cette définition évoque la conception hégélienne de la société civile qui comprend la sphère de la vie domestique et la sphère de la vie professionnelle. Tocqueville ne fait référence explicite qu’à la famille et aux amis. En outre, il parle d’un sentiment individualiste et non pas des intérêts particuliers qui y sont associés. Mais la véritable question posée par le texte de Tocqueville est différente: l’individualisme est-il un sentiment moral? Ou bien la propagation des sentiments individualistes conduit-elle à la propagation de l’égoïsme et à terme à la corruption de la société?La société industrielle a été présentée tout au long du XIXe siècle comme une société «démoralisée». Dans une glose au paragraphe 255 de La Philosophie du droit , Hegel évoque: «la désorganisation de la société civile autour de deux moments: la sainteté du mariage et l’honneur dans la corporation». La «sainteté du mariage» évoque le principe énoncé par Auguste Comte de «la subordination des âges et des sexes», dans lequel le sociologue positiviste voyait le principe de la famille occidentale. La «nucléarisation» de la famille, c’est-à-dire la réduction de la famille au cercle de deux parents et de leurs enfants dépendants qui, selon les traditionalistes du XIXe siècle, aurait été provoquée par les dispositions du Code civil relatives à l’héritage puis par l’institution du divorce, a-t-elle entraîné la dissolution de l’autorité parentale? Les données statistiques font apparaître, depuis qu’il est légalisé, une élévation des taux de divorce. D’autre part, le taux de nuptialité baisse et le nombre des concubinages entre jeunes adultes augmente. Mais le lien conjugal a-t-il perdu toute séduction et toute autorité? Les réponses des jeunes qui se mettent en ménage avant de contracter mariage suggèrent des conclusions plus nuancées. Le concubinage n’est souvent qu’un mariage différé, comme l’emploi, par les jeunes femmes, même prolongé, des contraceptifs oraux est loin de toujours signifier le refus définitif de la fécondité. Les indicateurs de «désintégration sociale» doivent être pris avec beaucoup de précaution. Ils peuvent exprimer ou bien le rejet de toute discipline ou bien le souci de n’engager sa responsabilité d’époux ou de parents que d’une manière lucide et réfléchie.En ce qui concerne l’«honneur dans la corporation», quelques précautions seraient également nécessaires. L’impatience à l’égard des hiérarchies industrielles ou administratives, l’intolérance à l’égard de l’autorité autoritaire, les explosions de violence à l’occasion des grèves, le relâchement de la «conscience professionnelle», qui s’exprime par l’absentéisme, la grève du zèle, le chapardage, sont des faits fréquents et bien établis. Mais outre que, faute de séries de données fiables et comparables, il est difficile d’affirmer l’existence en longue durée d’une tendance à la «démoralisation» dans les organisations administratives et industrielles, on peut aussi interpréter une partie de ces données comme autant de tensions ou éventuellement de violences qui marquent l’émergence des formes nouvelles de pouvoir et de légitimité.Le thème de la démoralisation dans les sociétés industrielles est ambigu parce que cette démoralisation est prise tantôt comme synonyme d’égoïsme, tantôt comme synonyme d’individualisme, tantôt comme synonyme d’anomie. Il faut distinguer entre égoïsme et individualisme, bien que cette distinction soit parfois subtile et même floue. Elle apparaît dans l’ouvrage de Tocqueville cité plus haut. On peut aussi l’éclairer par un texte de Hegel à propos des corporations. En parlant de Genossenschaften (compagnonnages) Hegel nous signifie qu’il existe des «intérêts communs particuliers»: «l’élément semblable des activités particulières vient à l’existence comme un élément commun dans les corporations» (op. cit. , paragr. 259). En d’autres termes, les intérêts privés peuvent être organisés. Ils ne sont pas condamnés à la dispersion ou au conflit. Mais ces «intérêts communs particuliers» (qui correspondent plus ou moins à nos corps intermédiaires) «relèvent de la société civile [...] et restent en dehors de l’État» (ibid. , paragr. 288). Il s’agit donc, pour citer encore Hegel, de «transformer l’esprit corporatif en esprit de l’État». Vaste programme, qui bute sur les résistances des groupes de pression, quelle que soit la légitimité des intérêts qu’ils font profession de défendre.La plus large part des phénomènes de démoralisation dans les sociétés industrielles est imputée à l’égoïsme des individus. Une autre hypothèse, à première vue paradoxale, peut être présentée: les formes rigoureusement pures d’égoïsme sont exceptionnelles. En outre, elles paraissent les plus fréquentes à deux niveaux très éloignés de l’échelle sociale. Le cynisme agressif et conquérant de «l’ennemi des lois» (dont Platon nous donne une image inoubliable avec le personnage de Calliclès dans Gorgias ) requiert une conscience et une maîtrise de soi tout à fait exceptionnelles. Il s’oppose clairement à la passivité impuissante, par déficit de ressources ou par absence de motivation, de ceux que nous appellerions les «marginaux». Ces deux groupes peuvent se trouver en situation objective d’alliance, dans leur hostilité commune à la «morale réalisée». Les «idéologies du grand refus», qui disqualifient la moralité comme une ruse des «dominants», peuvent servir de ciment à cette alliance. Les «marginaux» peuvent devenir les héros des «affranchis».C’est sans doute l’extrême difficulté où se sont trouvés les observateurs pour distinguer entre l’individualisme et l’égoïsme qui explique le succès de la notion durkheimienne d’anomie . C’est d’abord son caractère global, qui a été ultérieurement corrigé par les extensions qu’en ont données Merton et Parsons, qui la rend suspecte. Elle permettrait de qualifier globalement un moment du développement des sociétés industrielles. Cette tentative n’est guère satisfaisante pour deux raisons qui ont été exposées plus haut: l’ambiguïté des critères concernant la désorganisation sociale, et d’autre part l’ambiguïté bien aperçue par Hegel et méconnue par Durkheim, en particulier dans la préface à la deuxième édition de La Division du travail , des «corps intermédiaires» comme agents de remoralisation.Comment les «bonnes mœurs» contribuent-elles à l’articulation de la société civile avec l’État et avec la moralité individuelle? Il est tentant de répondre à cette question en recourant à une théorie, implicite dans les analyses de Montesquieu sur la Chine: la moralisation de la société par la ritualisation des mœurs. Cette théorie, qui a hanté la pensée réactionnaire jusqu’à nos jours, ne rend pas compte de deux difficultés parfaitement dégagées par Montesquieu. D’abord elle ne distingue pas entre les mœurs et les vertus – ce que permet de faire la conception socratique de la vertu reprise dans la métaphore platonicienne du fil d’or de la délibération raisonnée. En second lieu, elle conduit à une «dé-différenciation», c’est-à-dire à une régression sociale par confusion des divers ordres et domaines qui entrent en composition et en conflit dans la société. Il est extrêmement difficile de faire leur place aux «mœurs» dans la vie sociale, qui les déborde si l’on peut dire par en bas (du côté de l’autonomie individuelle) et par en haut (du côté de l’État, au sens hégélien, et du côté de l’esprit général de la nation, au sens de Montesquieu). Mais ce que met en lumière la notion de mœurs au sens hégélien de Sittlichkeit , c’est que la «moralité» ne peut pas être adéquatement pensée comme pur projet ou comme pure intention. Elle ne peut être pensée que comme «morale réalisée», même si sa réalité, telle qu’elle est, est différente et insuffisante par rapport aux exigences de sa réalisation.• meurs 1361; mors, mursXIIe; lat. mores m. plurielI ♦1 ♦ Habitudes (d'une société, d'un individu) relatives à la pratique du bien et du mal. ⇒ conduite, morale. Bonnes, mauvaises mœurs. « Le travail engendre forcément les bonnes mœurs, sobriété et chasteté » (Baudelaire). Mœurs austères, rigides, sévères. ⇒ rigorisme. Mœurs corrompues, dissolues, relâchées. ⇒ débauche. Femme de mœurs faciles, légères.2 ♦ Dr. Bonnes mœurs : ensemble des règles imposées par la morale sociale. Outrage aux bonnes mœurs. Certificat de bonne(s) vie et mœurs, attestant la bonne conduite et la moralité. — Anciennt Police des mœurs, ellipt les Mœurs : police chargée de la réglementation de la prostitution.3 ♦ Vx Les mœurs : bonnes mœurs, respect et pratique des vertus. Avoir des mœurs, ne pas avoir de mœurs. ⇒ moralité, principes. « Les mœurs sont l'hypocrisie des nations » (Balzac). — Mod. Dr. Crime contre les mœurs. Attentat aux mœurs : crimes et délits portant atteinte aux bonnes mœurs.II ♦1 ♦ Habitudes de vie, coutumes d'un peuple, d'une société. ⇒ coutume, usage. Mœurs des peuples primitifs. Mœurs policées. Les mœurs antiques, féodales. Les mœurs de son temps. Une habitude qui entre dans les mœurs. « Les Caractères, ou les mœurs de ce siècle », de La Bruyère. « Essai sur les mœurs et l'esprit des nations », de Voltaire.♢ PROV. Autres temps, autres mœurs : les mœurs changent avec les époques. « Ô temps ! Ô mœurs ! » (La Fontaine). — Loc. prov. La musique adoucit les mœurs.2 ♦ Habitudes communes à un groupe humain. Les mœurs du peuple et les mœurs du grand monde. Peinture de mœurs. ⇒ genre.3 ♦ Habitudes de vie individuelles, comportement d'une personne. Avoir des mœurs simples, des mœurs bohèmes. Vieilli Mœurs spéciales : homosexualité. — Fam. Quelles mœurs ! Drôles de mœurs ! En voilà, des mœurs ! ⇒ manière.4 ♦ Habitudes de vie d'une espèce animale. Les mœurs des abeilles. ⇒ comportement.Synonymes :- coutumes- us et coutumes- usagesHabitudes de vie, comportements individuelsSynonymes :- mentalité- vieConduites individuelles, en particulier sur le plan sexuel, considérées par...Synonymes :- conduite- morale- moralitéScène de mœursSynonymes :mœurs [mœʀ] plus cour. et critiqué [mœʀs] n. f. pl.ÉTYM. XIVe; meurs, v. 1283; mors, v. 1155; murs, v. 1112; du lat. mores, plur. de mos, moris, n. m. (→ Moral).❖———1 Habitudes (d'une société, d'un individu) relatives à la pratique du bien et du mal. ⇒ Conduite, morale. || La religion (→ Ancre, cit. 4), les lois et les mœurs (→ Caractère, cit. 69; esprit, cit. 176). || Influence des arts sur les mœurs (→ Influer, cit. 6). || Être utile aux mœurs. ⇒ Édification, éducation (cit. 7). || Bonnes, mauvaises mœurs (→ Léger, cit. 24). || Bonté, régularité, austérité, sévérité, pureté des mœurs. || Mœurs qui s'épurent (cit. 2), épuration des mœurs. || Excessive pureté de mœurs et de principes. ⇒ Moralisme, rigorisme; janséniste (cit. 1), moraliste, puritain. || Irréprochable (cit. 1) dans ses mœurs et dans sa foi. || Mœurs austères (cit. 6), rigides, sévères. || Mœurs qui deviennent plus libres (⇒ Libertin, cit. 1), se relâchent. || Le luxe corrompt les mœurs. || Relâchement (→ Hypocrisie, cit. 13), légèreté, dérèglement, dépravation, corruption des mœurs. ⇒ Débauche. || Perversion, impudicité des mœurs. || Mœurs corrompues, crapuleuses, cyniques, déréglées, désordonnées, dissolues, impures, licencieuses, relâchées. || Contraire aux bonnes mœurs. ⇒ Immoral, impudique. — Spécialt. || Femme de mœurs faciles, légères, équivoques. || Mœurs spéciales, mœurs inavouables (→ Homosexualité). — Allus. bibl. || Les mauvaises compagnies corrompent (cit. 11) les bonnes mœurs.1 Ô temps, ô mœurs ! J'ai beau crier.Tout le monde se fait payer.La Fontaine, Fables, XII, 6 (cf. l'adage lat. O tempora ! o mores !).2 Les mœurs et les manières sont des usages que les lois n'ont point établis, ou n'ont pas pu, ou n'ont pas voulu établir. Il y a cette différence entre les lois et les mœurs, que les lois règlent plus les actions du citoyen, et que les mœurs règlent plus les actions de l'homme. Il y a cette différence entre les mœurs et les manières, que les premières regardent plus la conduite intérieure, les autres l'extérieure.Montesquieu, l'Esprit des lois, XIX, XVI.3 Mais si le progrès des sciences et des arts n'a rien ajouté à notre véritable félicité; s'il a corrompu nos mœurs et si la corruption des mœurs a porté atteinte à la pureté du goût (…)Rousseau, Disc. sur les sciences et les arts, II.4 Le travail engendre forcément les bonnes mœurs, sobriété et chasteté, conséquemment la santé, la richesse (…)Baudelaire, Journal intime, « Mon cœur mis à nu », XCIV.2 Dr. || Bonnes mœurs : « ensemble des règles imposées par la morale et auxquelles les parties ne peuvent déroger par leurs conventions » (Capitant). || Loi qui intéresse l'ordre public et les bonnes mœurs (→ Convention, cit. 4). || La clause (cit. 43) contraire aux bonnes mœurs est illicite. || Outrage aux bonnes mœurs. || Certificat de bonne vie et mœurs : certificat attestant la bonne conduite et la moralité d'un individu. — Police des mœurs : police chargée de la recherche des infractions aux lois sur la prostitution. || Brigade des mœurs. — Ellipt. || Les mœurs.5 Autrefois, elle couchait avec un agent des mœurs, pour qu'on la laissât tranquille; à deux reprises, il avait empêché qu'on ne la mît en carte (…)Zola, Nana, VIII.6 Il avait d'abord pensé à l'emmener dans un hôtel et à appeler les « mœurs » pour causer un scandale et la faire mettre en carte.Camus, l'Étranger, I, III.6.1 « Les mœurs », nantis de sa photographie, feront une enquête de leur côté.G. Simenon, les Mémoires de Maigret, p. 169.3 Absolt. Bonnes mœurs, respect et pratique des vertus. || Avoir des mœurs, ne pas avoir de mœurs. ⇒ Moralité, principe(s). || Il n'y a plus de mœurs ! (→ Dépravation, cit. 4). || Maintien des mœurs (→ Chantage, cit. 3). || Les mœurs sont l'hypocrisie (cit. 6) des nations (Balzac). — Dr. Mod. || Crime contre les mœurs. || Attenter aux mœurs (⇒ Débauche, cit. 1). || Attentat aux mœurs : crimes et délits portant atteinte aux bonnes mœurs (attentat à la pudeur, viol, adultère, bigamie, prostitution…).7 (…) les peuples qui ont des mœurs surpassent ordinairement en bon sens et en courage les peuples qui n'en ont pas.Rousseau, Émile, IV.8 Entouré de gens sans mœurs, j'ai imité leurs vices (…)Laclos, les Liaisons dangereuses, XXIII.9 (…) tout ce que je puis faire, c'est de ne pas vous livrer aux autorités pour attentat aux mœurs… A-t-on idée de cette putain qui déshonorait ma maison !Zola, la Terre, II, VII.9.1 Vous savez, dit Narcense, je ne suis pas un quelconque criminel. Je n'ai commis aucun crime, malgré la boue de mes souliers. Tout au plus, outrage aux mœurs.R. Queneau, le Chiendent, p. 34.♦ Par ext. Usages, savoir-vivre.10 (…) les jeunes gens (sont) durs, féroces, sans mœurs ni politesse (…)La Bruyère, les Caractères, VIII, 74.11 Avoir de l'urbanité, comme Gédoyn l'entend, c'est avoir des mœurs, non pas des mœurs dans le sens austère, mais dans le sens antique : Horace et César en avaient. Avoir des mœurs en ce sens délicat, qui est celui des honnêtes gens, c'est ne pas s'en croire plus qu'à personne, c'est ne prêcher, n'injurier personne au nom des mœurs.Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 28 oct. 1850.♦ Rhét. (Vx). || Mœurs oratoires : qualités morales que doit montrer l'orateur pour se concilier son auditoire (⇒ Éthos).———II1 Habitudes de vie, coutumes d'un peuple, d'une société. ⇒ Coutume(s), usage(s). || La variété des mœurs (→ Inconstant, cit. 14) et leur relativité selon les lieux et les temps. || Les mœurs françaises, espagnoles, anglo-américaines (→ Existence, cit. 11). || Mœurs des peuples primitifs. || Les mœurs des anthropophages (→ Abrutissement, cit. 3). || Mœurs grossières, barbares (⇒ Barbarie), rudes, étranges, extravagantes (→ Corruption, cit. 2). || Mœurs policées, civilisées. || Âpreté (cit. 6), rudesse, grossièreté des mœurs. || Les mœurs antiques, féodales. || Les mœurs de son temps (→ Fonction, cit. 19; heure, cit. 42). || Les mœurs et les goûts de notre époque. ⇒ Mode. || Changement dans les mœurs. || Usage qui entre, s'introduit, passe dans les mœurs (→ Gaulois, cit. 7). || C'est entré dans les mœurs. || Prendre, emprunter, adopter les mœurs anglaises (→ S'angliciser), américaines (→ S'américaniser)… || Adoucissement (cit. 3) des mœurs avec le progrès. || Améliorer les mœurs, polir la rudesse des mœurs. || Évolution des mœurs. || Révolution des mœurs, dans les mœurs (→ Infraction, cit. 2; luminaire, cit. 1). || Anciennes et nouvelles mœurs (→ Éliminer, cit. 1; exercice, cit. 23). || Les mœurs ont bien changé. || Qui n'est plus conforme aux mœurs d'une époque. ⇒ Anachronique; anachronisme. — ☑ Prov. Autres temps, autres mœurs : les mœurs changent avec les époques (→ Instruire, cit. 3).12 (…) cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes : que chacun suive les mœurs de son pays (…)Pascal, Pensées, V, 294.13 Et qu'un si grand courroux contre les mœurs du tempsVous tourne en ridicule auprès de bien des gens.Molière, le Misanthrope, I, 1.14 On ne comprendra jamais ce qu'il y avait de bonté dans ces vieux Celtes, et même de politesse et de douceur de mœurs.Renan, Souvenirs d'enfance…, II, III.2 Habitudes communes à un groupe humain. || Les mœurs du peuple et les mœurs du grand monde (→ Hypocrite, cit. 21). || La bienséance veut qu'on suive les mœurs de son milieu. || Mœurs bourgeoises, paysannes, champêtres. || Les mœurs des enfants (→ Assez, cit. 45). || « Chaque âge (cit. 21) a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs » (Boileau). || Mœurs cénobitiques. || Mœurs politiques.15 Les femmes d'à présent sont bien loin de ces mœurs :Elles veulent écrire, et devenir auteurs.Molière, les Femmes savantes, II, 7.♦ Étudier (cit. 16) les mœurs d'un pays, d'une société, d'une époque, d'un milieu… || Tacite écrivit sur les mœurs des Germains (→ Abréger, cit. 2). || L'histoire (cit. 5) étudie les mœurs. || L'éthologie (cit. 1), science historique des mœurs. || Étude descriptive des mœurs. ⇒ Éthographie. — « Les caractères (cit. 63), ou les mœurs de ce siècle », de La Bruyère. || Essai sur les mœurs et l'esprit des nations, de Voltaire. || Madame Bovary, mœurs de province, de Flaubert. || Études de mœurs, première des trois grandes parties de la Comédie humaine de Balzac.16 Si j'ajoute du mien à son invention,C'est pour peindre nos mœurs (…)La Fontaine, Fables, IV, 18.17 Des siècles, des pays, étudiez les mœurs :Les climats font souvent les diverses humeurs.Boileau, l'Art poétique, III.18 (…) j'ai moins pensé à lui faire lire (au public) rien de nouveau qu'à laisser peut-être un ouvrage de mœurs plus complet, plus fini et plus régulier, à la postérité.La Bruyère, les Caractères, Introd.19 J'étudiai nos mœurs dans les romans; nos opinions dans les philosophes (…)Laclos, les Liaisons dangereuses, LXXXI.♦ Vx (langue classique). Manière d'être qui convient aux personnages selon leur condition, leur pays, leur époque (« On dit aujourd'hui plus souvent couleur locale » Littré).20 En termes de Poésie, on dit, que Les mœurs sont bien gardées dans une Tragédie, dans un Poème, pour dire, qu'on y a bien observé ce qui concerne les coutumes du pays et du temps dont il est question, ou le caractère des personnages qui sont introduits dans le Poème.3 Habitudes de vie individuelles, comportement d'une personne. ⇒ Habitude. || Avoir des mœurs simples, des mœurs bohèmes, des mœurs solitaires (→ Attendre, cit. 117). ⇒ Vie. || Une grande simplicité de mœurs. || Démocrate par nature, aristocrate (cit. 4) par mœurs. || Décrier les mœurs et le caractère de quelqu'un (→ Exégète, cit. 2). — Rhét. (Vx). || Peinture des mœurs d'un personnage (⇒ Éthopée). — Fam. || Quelles mœurs ! || Drôles de mœurs ! || En voilà, des mœurs ! (⇒ Mentalité).21 Allons ! un bon coup de bâton pour la calmer ! (…) Telles sont les mœurs conjugales de ces deux descendants d'Ève et d'Adam (…)Baudelaire, le Spleen de Paris, XI.4 Par anal. Habitudes de vie d'une espèce animale. || Les mœurs des abeilles. || Mœurs curieuses du fourmilion (cit. 1). || Mœurs sociales de l'éléphant (cit. 3). || Innocence des mœurs de l'écureuil (→ Gentillesse, cit. 1).❖HOM. Formes du v. mourir.
Encyclopédie Universelle. 2012.